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vendredi 26 avril 2013

La victoire avant l’argent

(Photo: Getty)
On soulève souvent l’argument de la vente de produits dérivés pour justifier en tout ou en partie, la signature d’un joueur autonome. Une croyance populaire qui a traversé le temps. En réalité, il s’agit d’un fait qui a été mal interprété. Cet aspect a été souligné à plusieurs reprises dans le passé pour expliquer qu’une part du salaire qu’on versait à un joueur étoile allait se payer d’elle-même avec la simple annonce de sa venue dans sa nouvelle équipe. Ou pour simplement justifier l’augmentation de salaire versée à un joueur déjà avec son équipe. Ce qui n’est pas faux. Mais ici on parle bien de réduire le coût de ce joueur et non d’en faire un produit pour générer des profits. Nous sommes partis de « signer un joueur, à gros prix, en calculant un retour sur son très généreux salaire, » à « signer un joueur pour vendre des produits, dont des chemises, à son nom, pour générer davantage de profits. » Il y a  toute une marge entre les deux. Comment le cheminement de la pensée populaire a pu faire un pareil raccourci? Je l’ignore, et ce n’est pas le but de la chronique d’aujourd’hui.

Mauvais calcul

Les choses ont beaucoup changé depuis 20 ans. Même dans sa version réelle et initiale l’argument de la vente de produits n’est à peu près plus repris par les analystes qui scrutent les contrats des joueurs. 

Sans entrer dans tous les détails, question de ne pas vous perdre, voyons ce qu'il en est. En premier lieu, il faut savoir que les joueurs ne touchent rien de la vente d’une chemise ou d’un t-shirt à leurs noms. Par conséquent, les équipes, en bénéficient. Mais elles ne sont pas les seules. La MLB et la MLBPA touchent aussi une part. L’entreprise qui le produit ainsi que le vendeur, et même, le transporteur, ont aussi un pourcentage sur cette vente. Le retour sur l’investissement est donc beaucoup diminué pour une équipe. Et encore, les agents n’ont pas encore dit leur mot. Car lors d’une négociation de contrat avec une équipe, l’agent n’oubli pas de mentionner que ledit joueur rapportera à l’équipe des dollars supplémentaires sur la vente de ces produits tout comme les spectateurs de plus qui entreront au stade grâce à lui. Ces aspects sont devenus des arguments qui augmentent le salaire du joueur. On vient donc encore de diminuer le retour sur le fameux investissement.

Il faut aussi savoir qu’il y a une taxe de luxe dans le baseball majeur. Encore là, si une équipe dépasse le montant permis en masse salariale par la MLB et la MLBPA, elle sera pénalisée. Il faut, une fois de plus, retiré la participation d’une vedette signée à cette pénalité dans sa marge de profit reliée à ce joueur.

Il faut également tenir compte du partage des revenus. Les gens confondent parfois la taxe de luxe avec le partage des revenus alors que ce sont deux choses différentes. Il faut savoir qu’en plus du système de taxe de luxe, dont aucune équipe ne bénéficie, il y a également un système de partage des revenus dans le baseball majeur. Dans ce système, toutes les équipes déposent dans un « chapeau » 34% de leurs revenus locaux. (On parle bien de « revenus » pas de « profits ».) Même les équipes comme Pittsburgh ou Tampa Bay. Ensuite l’argent est redistribué aux équipes à part égales.

À titre d’exemple, en 2005 les Yankees ont déposé 76 millions dans le chapeau. Cette même année, Kansas City, Tampa Bay, la Floride (Maintenant Miami), ont récolté 30 millions à même cette cagnotte (Chiffres du Wall Street Journal.).  
Bien sûr, on tient compte des profits supplémentaires quand on signe un joueur. Mais comme expliqué au début, on en tient compte pour amoindrir le coût du joueur, pas pour en faire des profits. Dans les années ’90 cet argument pouvait encore tenir, mais plus maintenant.

Et les fesses, elles?

On ne parlera pas du postérieur du joueur, mais bien de ceux qu’il ajoute dans les gradins. Il y a bien un peu plus de marge de profit pour l’équipe de ce côté. Mais encore, ça dépend de quelle équipe il s’agit. À New York, à Boston ou à Los Angeles, les stades sont déjà pleins à plus de 95%. L’arrivée d’un nouveau joueur n’aura que très peu d’influence aux guichets. Ça serait tout à fait différent si une équipe comme les Diamondbacks de l’Arizona ou les Indians de Cleveland signait Albert Pujols ou Clayton Kershaw par exemple. Et là, on doit garder à l’esprit que dans le cas d’un lanceur, les gens ne vont pas acheter des billets pour le voir assis dans l’abri, mais bien lorsqu’il lance. D’ailleurs pourquoi certaines équipes ne se lancent pas dans la course aux joueurs étoiles. Si c’était justement rentable pour vendre des produits? Parce que…

…La victoire est plus rentable

La victoire est nettement plus rentable quand on signe un joueur autonome que les produits qu’on va vendre à l’effigie de ce joueur. Si on signe un joueur à grands coups de portefeuilles, c’est parce qu’on croit qu’on pourra remporter un titre. À New York, une participation aux séries rapporte pas moins de 40 millions chaque fois. Une victoire à la Série Mondiale, rapporte aux Yankees, 70 millions et plus. Le montant varie d’une concession à l’autre en raison de la grandeur de son marché. À San Francisco, pas plus tard qu’à l’automne dernier, les Giants avaient engrangé, 600 milles dollars uniquement en produits dérivés, seulement 36 heures après avoir été sacrés champions, non pas de la Série Mondiale, mais simplement de la section Ouest. Voilà où est la plus grande source de profits pour une équipe. Imaginez maintenant combien les profits sont intéressants quand une équipe avec une masse salariale moyenne ou faible fait les séries, remporte un titre de ligue ou encore la Série Mondiale?

Les finances au baseball, c’est une question d’ensemble. Une équipe gagnante attirera plus de monde, elle vendra plus de produits, plus de hot dog, donc pourra louer plus cher ses concessions, aura un meilleur contrat de télé local, de radio et pourra augmenter ses prix aux commanditaires en raison de l’achalandage. Si une équipe veut vendre des casquettes et des chandails, elle n’a pas besoin de risquer de miser sur un joueur autonome à gros prix. Elle n’a qu’à sortir une casquette de couleur rose, verte, ou un uniforme différent, ou encore changer son logo. 

Lorsqu’une organisation signe un joueur vedette, là où les équipes y gagnent aussi, c’est sur la valeur de leur équipe. Une équipe avec plusieurs vedettes qui sont « vendables », surtout dans un gros marché, vaut plus cher qu’une équipe qui en a peu dans un petit marché. Comme pour vous, lorsque vous changez les fenêtres de votre maison, c’est un investissement pour lui donner de la valeur. Une valeur qui vous permettra non seulement de vendre plus cher que lors de l’achat, mais qui vous donnera aussi la possibilité d’emprunter plus si vous le désirez.

Or la prochaine fois que vous verrez une équipe signer un joueur à gros prix, pensez-y à deux fois avant de mettre de l’avant l’argument de la vente de produits.    

  

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