kogs

kogs

mercredi 21 mars 2012

L’incroyable histoire de Jeff Harris


(Photo Max Waugh)
Vous ne l’avez jamais remarqué; Vous ne connaissez probablement pas son nom. Sauf, peut-être si vous êtes de la ville de Québec. L’histoire de Jeff Harris est tout simplement surréaliste. Si je n’en n’avais pas été témoin, j’aurais beaucoup de mal à y croire.

En 1995, Harris est repêché au 29ème tour par les Twins du Minnesota. Il débute la même année dans la ligue des Recrues où il connaît un certain succès comme releveur. Il gradue au A la saison suivante où il présente une bonne moyenne de points mérités de 3.11 et une fiche de 8-3. Il passe du A+ au AA tout juste l’année après, avec une «MPM» combinée qui dépasse à peine le 2.00. Harris est dans la mire de l’organisation des Twins pour devenir set-up man ou closer dans les majeures. En 1998 il est invaincu en 9 décisions dont 8 aux AAA et 1 au AA. Par contre sa moyenne de points mérités est mauvaise au niveau supérieur. L’histoire se répète en ‘99 alors qu’il domine à nouveau outrageusement au AA avec une « MPM » sous les 2.00, mais il n’arrive pas à s’ajuster au AAA. Blessé au coude en 2000, il lance peu avant d’être libéré à la fin de la saison.

L’aventure commence

En 2001, ne trouvant pas preneur, il signe avec le Heat de Chico dans la Western Baseball League. Un circuit indépendant. Pour ménager son bras, il change sa façon de lancer. Sa rapide est à peine à 88 MPH. Mais ça fonctionne. Il connaît beaucoup de succès comme partant. Toujours incapable de convaincre une organisation des majeures, il tente sa chance à Taiwan en 2003. Mais il est retranché avant de se joindre à une équipe professionnelle de Chine. Comme un malheur ne vient jamais seul, le SRAS fait rage en Chine et il doit rentrer en Amérique.

Un point tournant

Le destin fait toutefois bien les choses, et Harris signe avec les Capitales de Québec de la ligue Northeast (Maintenant la Can-Am). À 28 ans, ce n’est plus un jeune loup. Il n’a plus sa rapide dévastatrice des premiers jours, et personne ne veut de lui dans le baseball majeur. Il connaît une saison exceptionnelle dans la « Cité aux Toits Verts. » Une fiche de 9-4, une moyenne de points mérités de 2.51 et son contrôle est parfait. Le vétéran a quand même vu neiger, et il profite des précieux conseils de Michel Laplante, ancien de l’organisation des Pirates de Pittsburgh, des Braves d’Atlanta et des Expos de Montréal, qui a atteint le AAA. Malgré son excellente contribution, il n’est pas le meilleur partant de la formation des Caps.

Jeff Harris se plait à Québec. Il aime l’organisation et l’environnement. Il revient pour la saison 2004, tout en songeant sérieusement à son après-carrière. Il débute la campagne et présente encore des chiffres ahurissants. Toujours en contrôle, il déséquilibre les frappeurs adverses avec une aisance peu commune. Après deux solides départs et une moyenne de points mérités de 0.75, on fait aller ses contacts dans les bureaux à Québec. Finalement, les Mariners de Seattle rachètent le contrat de Harris aux Capitales. À 29 ans, Harris aura une autre chance et Québec doit se chercher un autre lanceur partant. Même si le but premier est de gagné dans le baseball indépendant, et non de faire du développement, on tente d’aider les joueurs à améliorer leur sort vers le baseball majeur quand c’est possible. Harris a obtenu cette opportunité.

Monsieur Versatilité

Les Mariners adorent Harris qui est un bon joueur d’équipe. « Je n’ai toujours voulu qu’une chose peu importe le niveau, c’est de remporter un jour une bague de championnat, » déclarait l’ex-partant des Caps. Il passe le reste de la saison au AAA. Il lance tantôt comme partant, tantôt comme releveur. Toujours avec un certain succès. Si parfois les lanceurs de longue relève refusent de donner un départ pour ne pas nuire à leur préparation, Harris est prêt à le faire, même avec deux jours d’avis. En 2005, il débute au AAA, mais sera rétrogradé au AA.  Les Mariners ont besoin de son poste pour faire graduer un jeune prospect. Harris n’est pas dans les plans pour le grand club, même s’il performe comme jamais. Mieux encore qu’à Québec et Chico, même mieux qu’à ses débuts chez les Twins quand il avait sa rapide dévastatrice. Il remonte au AAA. On l’emploi en courte relève, en longue relève, comme closer, set-up man. On lui donne le surnom de Monsieur Versatilité.

Le gérant des Rainiers de Tacoma est arrivé au beau milieu du vestiaire avant un match. Il tenait absolument à poser ce geste devant tout le monde. Sachant combien Harris était un homme apprécié de ses coéquipiers. Il annonça à son vétéran lanceur de faire ses valises sous les applaudissements des autres joueurs. Il partait pour Detroit afin de rejoindre les Mariners sur la route.

Du rêve à la réalité

Le 2 août 2005, les Mariners envoient Jorge Campillo pour débuter la rencontre à Detroit. Le partant souffre de douleurs au coude après la première manche. Il ne mettra pas le pied sur la butte à la deuxième. Qui peut bien être en mesure de prendre la relève dans ses conditions? Monsieur Versalitié, bien sûr! Harris lance enfin dans les majeures. Et quelle performance! 5.0 manches, 3 coups sûrs, aucun but sur balles, aucun point et un retrait sur des prises dans un gain de 4-1 des protégés de Mark Hargrove. L’histoire fait la une des tabloïdes sportifs de Seattle et même ailleurs en Amérique.

Le 30 août, il bat les Yankees de New York au Yankee Stadium dans un départ de 6.1 manches. Cinq jours après avoir vaincu les Rangers du Texas. À la fin de la saison 2006, où il n’a lancé que 3.1 manches en relève dans les majeures, Harris est libéré. Il a signé avec les Indians de Cleveland où il n’a lancé que dans les mineures. Aujourd’hui, il est instructeur des lanceurs pour les prospects de cette formation dans la ligue de l’Arizona.

Un grand moment 

Dans mon hobby de chroniqueur, j’ai eu le privilège de rencontrer des joueurs, des gérants, des hommes et femmes de baseball. D’avoir été témoin du travail accompli par Jeff Harris pour toucher son rêve fut l’un de mes plus beaux moments. Lorsque je l’ai vu sur le monticule du Yankee Stadium, un an seulement après l’avoir vu quitter Québec, des frissons m’ont traversé le corps. Ce genre d’histoire fait du baseball, un sport magnifique. Steve Delabar, également des Mariners, a fait un parcours sensiblement pareil. De la ligue Frontier (Indépendant), à la Can-Am (Indépendant) avec le Rox de Brockton, il a débuté l’an dernier à Seattle. Même si son histoire est un peu moins rocambolesque, elle n’est pas moins digne de mention. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire