(Photo Max Waugh) |
Vous ne l’avez jamais remarqué; Vous ne
connaissez probablement pas son nom. Sauf, peut-être si vous êtes de la ville
de Québec. L’histoire de Jeff Harris est tout simplement surréaliste. Si je
n’en n’avais pas été témoin, j’aurais beaucoup de mal à y croire.
En 1995, Harris est repêché au 29ème
tour par les Twins du Minnesota. Il débute la même année dans la ligue des
Recrues où il connaît un certain succès comme releveur. Il gradue au A la saison
suivante où il présente une bonne moyenne de points mérités de 3.11 et une
fiche de 8-3. Il passe du A+ au AA tout juste l’année après, avec une «MPM»
combinée qui dépasse à peine le 2.00. Harris est dans la mire de l’organisation
des Twins pour devenir set-up man ou closer dans les majeures. En 1998 il est
invaincu en 9 décisions dont 8 aux AAA et 1 au AA. Par contre sa moyenne de points
mérités est mauvaise au niveau supérieur. L’histoire se répète en ‘99 alors qu’il domine à
nouveau outrageusement au AA avec une « MPM » sous les 2.00, mais il
n’arrive pas à s’ajuster au AAA. Blessé au coude en 2000, il lance peu avant
d’être libéré à la fin de la saison.
L’aventure commence
En 2001, ne trouvant pas preneur, il signe avec
le Heat de Chico dans la Western Baseball
League. Un circuit indépendant. Pour ménager son bras, il change sa façon de
lancer. Sa rapide est à peine à 88
MPH . Mais ça fonctionne. Il connaît beaucoup de succès
comme partant. Toujours incapable de convaincre une organisation des majeures,
il tente sa chance à Taiwan en 2003. Mais il est retranché avant de se joindre
à une équipe professionnelle de Chine. Comme un malheur ne vient jamais seul, le SRAS fait
rage en Chine et il doit rentrer en Amérique.
Un point tournant
Le destin fait toutefois bien les choses, et
Harris signe avec les Capitales de Québec de la ligue Northeast (Maintenant la Can-Am ). À 28 ans, ce n’est
plus un jeune loup. Il n’a plus sa rapide dévastatrice des premiers jours, et
personne ne veut de lui dans le baseball majeur. Il connaît une saison
exceptionnelle dans la « Cité aux Toits Verts. » Une fiche de 9-4,
une moyenne de points mérités de 2.51 et son contrôle est parfait. Le vétéran a
quand même vu neiger, et il profite des précieux conseils de Michel Laplante, ancien
de l’organisation des Pirates de Pittsburgh, des Braves d’Atlanta et des Expos
de Montréal, qui a atteint le AAA. Malgré son excellente contribution, il n’est
pas le meilleur partant de la formation des Caps.
Jeff Harris se plait à Québec. Il aime
l’organisation et l’environnement. Il revient pour la saison 2004, tout en
songeant sérieusement à son après-carrière. Il débute la campagne et présente
encore des chiffres ahurissants. Toujours en contrôle, il déséquilibre les
frappeurs adverses avec une aisance peu commune. Après deux solides départs et
une moyenne de points mérités de 0.75, on fait aller ses contacts dans les
bureaux à Québec. Finalement, les Mariners de Seattle rachètent le contrat de
Harris aux Capitales. À 29 ans, Harris aura une autre chance et Québec doit se chercher un autre lanceur partant. Même si le but premier
est de gagné dans le baseball indépendant, et non de faire du développement, on
tente d’aider les joueurs à améliorer leur sort vers le baseball majeur quand
c’est possible. Harris a obtenu cette opportunité.
Monsieur Versatilité
Les Mariners adorent Harris qui est un bon
joueur d’équipe. « Je n’ai toujours voulu qu’une chose peu importe le
niveau, c’est de remporter un jour une bague de championnat, » déclarait
l’ex-partant des Caps. Il passe le reste de la saison au AAA. Il lance tantôt
comme partant, tantôt comme releveur. Toujours avec un certain succès. Si
parfois les lanceurs de longue relève refusent de donner un départ pour ne pas
nuire à leur préparation, Harris est prêt à le faire, même avec deux jours
d’avis. En 2005, il débute au AAA, mais sera rétrogradé au AA. Les Mariners ont besoin de son poste pour
faire graduer un jeune prospect. Harris n’est pas dans les plans pour le grand
club, même s’il performe comme jamais. Mieux encore qu’à Québec et Chico, même
mieux qu’à ses débuts chez les Twins quand il avait sa rapide dévastatrice. Il
remonte au AAA. On l’emploi en courte relève, en longue relève, comme closer,
set-up man. On lui donne le surnom de Monsieur Versatilité.
Le gérant des Rainiers de Tacoma est arrivé au
beau milieu du vestiaire avant un match. Il tenait absolument à poser ce geste
devant tout le monde. Sachant combien Harris était un homme apprécié de ses
coéquipiers. Il annonça à son vétéran lanceur de faire ses valises sous les applaudissements des autres joueurs. Il partait
pour Detroit afin de rejoindre les Mariners sur la route.
Du rêve à la réalité
Le 2 août 2005, les Mariners envoient Jorge
Campillo pour débuter la rencontre à Detroit. Le partant souffre de douleurs au
coude après la première manche. Il ne mettra pas le pied sur la butte à la deuxième. Qui peut bien être en mesure de prendre la relève dans ses
conditions? Monsieur Versalitié, bien sûr! Harris lance enfin dans les
majeures. Et quelle performance! 5.0 manches, 3 coups sûrs, aucun but sur
balles, aucun point et un retrait sur des prises dans un gain de 4-1 des
protégés de Mark Hargrove. L’histoire fait la une des tabloïdes sportifs de
Seattle et même ailleurs en Amérique.
Le 30 août, il bat les Yankees de New York au
Yankee Stadium dans un départ de 6.1 manches. Cinq jours après avoir vaincu les
Rangers du Texas. À la fin de la saison 2006, où il n’a lancé que 3.1 manches
en relève dans les majeures, Harris est libéré. Il a signé avec les Indians de
Cleveland où il n’a lancé que dans les mineures. Aujourd’hui, il est instructeur
des lanceurs pour les prospects de cette formation dans la ligue de l’Arizona.
Un grand moment
Dans mon hobby de chroniqueur, j’ai eu le
privilège de rencontrer des joueurs, des gérants, des hommes et femmes de
baseball. D’avoir été témoin du travail accompli par Jeff Harris pour toucher
son rêve fut l’un de mes plus beaux moments. Lorsque je l’ai vu sur le
monticule du Yankee Stadium, un an seulement après l’avoir vu quitter Québec,
des frissons m’ont traversé le corps. Ce genre d’histoire fait du baseball, un
sport magnifique. Steve Delabar, également des Mariners, a fait un parcours
sensiblement pareil. De la ligue Frontier (Indépendant), à la Can-Am (Indépendant) avec
le Rox de Brockton, il a débuté l’an dernier à Seattle. Même si son histoire
est un peu moins rocambolesque, elle n’est pas moins digne de mention.
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