|
(Photo: Getty) |
On soulève souvent l’argument de la vente de
produits dérivés pour justifier en tout ou en partie, la signature d’un joueur
autonome. Une croyance populaire qui a traversé le temps. En réalité, il s’agit
d’un fait qui a été mal interprété. Cet aspect a été souligné à plusieurs
reprises dans le passé pour expliquer qu’une part du salaire qu’on versait à un
joueur étoile allait se payer d’elle-même avec la simple annonce de sa venue
dans sa nouvelle équipe. Ou pour simplement justifier l’augmentation de salaire
versée à un joueur déjà avec son équipe. Ce qui n’est pas faux. Mais ici on
parle bien de réduire le coût de ce joueur et non d’en faire un produit pour
générer des profits. Nous sommes partis de « signer un joueur, à gros prix,
en calculant un retour sur son très généreux salaire, » à « signer un
joueur pour vendre des produits, dont des chemises, à son nom, pour générer
davantage de profits. » Il y a
toute une marge entre les deux. Comment le cheminement de la pensée
populaire a pu faire un pareil raccourci? Je l’ignore, et ce
n’est pas le but de la chronique d’aujourd’hui.
Mauvais calcul
Les choses ont beaucoup changé depuis 20 ans. Même
dans sa version réelle et initiale l’argument de la vente de produits n’est à
peu près plus repris par les analystes qui scrutent les contrats des joueurs.
Sans entrer dans tous les détails, question de ne pas vous perdre, voyons ce qu'il en est. En premier lieu, il faut savoir que les joueurs
ne touchent rien de la vente d’une chemise ou d’un t-shirt à leurs noms. Par
conséquent, les équipes, en bénéficient. Mais elles ne sont pas les seules. La MLB et la MLBPA touchent aussi une
part. L’entreprise qui le produit ainsi que le vendeur, et même, le
transporteur, ont aussi un pourcentage sur cette vente. Le retour sur
l’investissement est donc beaucoup diminué pour une équipe. Et encore, les agents
n’ont pas encore dit leur mot. Car lors d’une négociation de contrat avec une
équipe, l’agent n’oubli pas de mentionner que ledit joueur rapportera à
l’équipe des dollars supplémentaires sur la vente de ces produits tout comme
les spectateurs de plus qui entreront au stade grâce à lui. Ces aspects sont
devenus des arguments qui augmentent le salaire du joueur. On vient donc encore
de diminuer le retour sur le fameux investissement.
Il faut aussi savoir qu’il y a une taxe de luxe
dans le baseball majeur. Encore là, si une équipe dépasse le montant permis en
masse salariale par la MLB
et la MLBPA,
elle sera pénalisée. Il faut, une fois de plus, retiré la participation d’une
vedette signée à cette pénalité dans sa marge de profit reliée à ce joueur.
Il faut également tenir compte du partage des
revenus. Les gens confondent parfois la taxe de luxe avec le partage des
revenus alors que ce sont deux choses différentes. Il faut savoir qu’en plus du
système de taxe de luxe, dont aucune équipe ne bénéficie, il y a également un
système de partage des revenus dans le baseball majeur. Dans ce système, toutes
les équipes déposent dans un « chapeau » 34% de leurs revenus locaux.
(On parle bien de « revenus » pas de « profits ».) Même les
équipes comme Pittsburgh ou Tampa Bay. Ensuite l’argent est redistribué aux équipes
à part égales.
À titre d’exemple, en 2005 les Yankees ont
déposé 76 millions dans le chapeau. Cette même année, Kansas City, Tampa Bay, la Floride (Maintenant Miami),
ont récolté 30 millions à même cette cagnotte (Chiffres du Wall Street Journal.).
Bien sûr, on tient compte des profits
supplémentaires quand on signe un joueur. Mais comme expliqué au début, on en
tient compte pour amoindrir le coût du joueur, pas pour en faire des profits.
Dans les années ’90 cet argument pouvait encore tenir, mais plus maintenant.
Et les fesses, elles?
On ne parlera pas du postérieur du joueur, mais
bien de ceux qu’il ajoute dans les gradins. Il y a bien un peu plus de marge de
profit pour l’équipe de ce côté. Mais encore, ça dépend de quelle équipe il
s’agit. À New York, à Boston ou à Los Angeles, les stades sont déjà pleins à
plus de 95%. L’arrivée d’un nouveau joueur n’aura que très peu d’influence aux
guichets. Ça serait tout à fait différent si une équipe comme les Diamondbacks
de l’Arizona ou les Indians de Cleveland signait Albert Pujols ou Clayton
Kershaw par exemple. Et là, on doit garder à l’esprit que dans le cas d’un
lanceur, les gens ne vont pas acheter des billets pour le voir assis dans l’abri,
mais bien lorsqu’il lance. D’ailleurs pourquoi certaines équipes ne se lancent
pas dans la course aux joueurs étoiles. Si c’était justement rentable pour
vendre des produits? Parce que…
…La victoire est plus
rentable
La victoire est nettement plus rentable quand
on signe un joueur autonome que les produits qu’on va vendre à l’effigie de ce
joueur. Si on signe un joueur à grands coups de portefeuilles, c’est parce
qu’on croit qu’on pourra remporter un titre. À New York, une participation aux
séries rapporte pas moins de 40 millions chaque fois. Une victoire à la Série Mondiale, rapporte aux
Yankees, 70 millions et plus. Le montant varie d’une concession à l’autre en
raison de la grandeur de son marché. À San Francisco, pas plus tard qu’à
l’automne dernier, les Giants avaient engrangé, 600 milles dollars uniquement
en produits dérivés, seulement 36 heures après avoir été sacrés champions, non
pas de la Série Mondiale,
mais simplement de la section Ouest. Voilà où est la plus grande source de
profits pour une équipe. Imaginez maintenant combien les profits sont
intéressants quand une équipe avec une masse salariale moyenne ou faible fait
les séries, remporte un titre de ligue ou encore la Série Mondiale?
Les finances au baseball, c’est une question
d’ensemble. Une équipe gagnante attirera plus de monde, elle vendra plus de
produits, plus de hot dog, donc pourra louer plus cher ses concessions, aura un
meilleur contrat de télé local, de radio et pourra augmenter ses prix aux
commanditaires en raison de l’achalandage. Si une équipe veut vendre des
casquettes et des chandails, elle n’a pas besoin de risquer de miser sur un
joueur autonome à gros prix. Elle n’a qu’à sortir une casquette de couleur
rose, verte, ou un uniforme différent, ou encore changer son logo.
Lorsqu’une organisation signe un joueur
vedette, là où les équipes y gagnent aussi, c’est sur la valeur de leur équipe.
Une équipe avec plusieurs vedettes qui sont « vendables », surtout
dans un gros marché, vaut plus cher qu’une équipe qui en a peu dans un petit
marché. Comme pour vous, lorsque vous changez les fenêtres de votre maison,
c’est un investissement pour lui donner de la valeur. Une valeur qui vous
permettra non seulement de vendre plus cher que lors de l’achat, mais qui vous
donnera aussi la possibilité d’emprunter plus si vous le désirez.
Or la prochaine fois que vous verrez une équipe
signer un joueur à gros prix, pensez-y à deux fois avant de mettre de l’avant
l’argument de la vente de produits.